Small is Beautiful, une vision de l’excellence à moins de 10 salariés
Le sens commun nous fait bien comprendre que créer une entreprise est essentiellement difficile, du fait de la fragilité du projet, du manque initial de ressources et de la difficulté à exister face à des concurrents mûrs, forcément mieux reconnus. Le bon sens est un ennemi intime, dont il faut savoir se méfier. En réalité, la plupart de ces difficultés peuvent être activées comme de très puissants vecteurs de différenciation et d’efficacité.
Les 5 points que je vais lister ci-après ne sont pas mes “bons conseils du jour”. Ce sont des armes extrêmement puissantes à savoir manipuler et utiliser à bon escient quand vous êtes une mono- ou micro-entreprise (ou une startup bien entendu).
Si ces réalités peuvent sembler extraordinaires à la plupart des créateurs, c’est certainement parce que toute la littérature et toutes les formations à leur disposition pensent l’entreprise comme un grand groupe en devenir. Je n’ai pas une idée très arrêtée sur l’origine de cet aveuglement culturel assez propre à nos structures françaises (écoles de management, pôles de compétitivité et autres), mais comme vous le savez, il ne faut jamais écarter l’incompétence en tant qu’explication la plus simple.
Pour rappel, voici la réalité de la démographie entrepreneuriale en France :
Ne cherchez pas à régler l’image, il n’y a pas d’erreur. Plus de 80% des entreprises ont strictement moins de 10 de salariés. Alors, cela vous dit de ne plus penser l’entreprise en mode L’Oréal ou Thales ? Voici quelques pistes :
1. Small is beautiful
La première erreur qui est souvent faite est de penser parts de marché. Je pourrais adoucir mon propos en vous disant que c’est un raisonnement légèrement inadapté, mais ce n’est pas ce que je pense. Je pense que c’est profondément idiot et que c’est l’essence même du vide stratégique que je dénonce : quel est l’intérêt réel de penser une activité e-commerce qui réaliserait 500K de chiffre d’affaire annuel en terme de % des 37,7 milliards d’euros réalisés par an en France dans le secteur ? Ce marché global peut bien faire 10% de progression annuelle, cela ne veut rien dire pour vous qui ferez peut être -64% ou +156%.
Au lieu de penser votre stratégie de façon descendante (“top-down”), changez de logiciel et passez en mode remontant (“bottom-up”). Dans cette optique, une mono-entreprise ou une micro-entreprise a plus intérêt à se préoccuper d’une stratégie de niche et d’élaborer une discipline de valeur claire et forte dans cette niche. Je parle assez souvent d’innover son business model en mode réduction et simplification de l’offre (1, 2). C’est l’essence même du “small is beautiful”. Faire simple non pas pour le plaisir de l’élégance, mais pour s’assurer d’une valeur ajoutée focalisée à l’extrême et coupante comme un rasoir.
Si vous voulez vous creuser une niche (et peut être plus) c’est le point de départ face aux gros opérateurs mous qui essayent de tout faire pour protéger leurs fameuses parts de marché. Soyez le nouveau Dropbox dont les (gros) concurrents devront admettre “Well, we’ll not risk another frontal assault. That rabbit’s dynamite.” :
2. Not afraid
Pour cela, il est nécessaire d’utiliser votre taille réduite le plus possible. Non pas pour être flexible et vous adapter à toutes les demandes farfelues des clients, mais pour être évolutif et trouver les failles du marché, les zones ouvertes, les nouveaux problèmes dans lesquels les gros concurrents ne vont pas.
Les crises sont par exemple une aubaine pour vous. Les industriels de votre marché eux se nourrissent de status quo, peinent à stabiliser leurs équipes et renforcent leur obsolescence. Imaginez une agence de communication globale de 50 personnes qui pour survivre doit produire 80% de son temps des chartes graphiques et des sites webs low cost, quand vous pouvez faire cela à deux ou trois.
Si vous y pensez, quel est le risque ? Au pire des cas, vous avez les moyens d’échouer rapidement, d’apprendre vite et de redémarrer plus fort dans la bonne direction. Pendant que vos concurrents se traînent et font des études de marché vous avez la capacité de prototyper votre business rapidement et d’avoir un cycle de vie en mode accéléré. Une année pour eux doit en représenter sept chez vous (et c’est promis, j’arrête ensuite avec les métaphores animales).
De quoi avez-vous peur au fond ? Votre survie va dépendre de votre capacité à changer le marché.
Et parce que aussi vous n’avez pas besoin d’avoir peur, un grand nombre de stratégies marketing s’offrent à vous. Une des bibles sur le sujet est Guerilla Marketing de Jay Levinson. Si vous pensez que nous sommes en train de parler à ce sujet de choses révolutionnaires, vérifier la date de publication initiale : 1983. Rajoutez maintenant 30 ans d’internet et la puissance des sites sociaux actuels et voilà :
Budget Adwords total : zéro euro. Pour cela nous mettons par exemple tout ce que nous pouvons à la disposition du marché et de la “concurrence”. Quel est le risque ? Que l’on nous vole du contenu ? Des idées ? Ma question est : quelles sont les opportunités ? Avoir plus de 2000 visites en 24h sur une présentation faite à moins de 100 personnes ? Être contacté par trois industries européennes pour travailler sur le sujet avec eux ?
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3. We’re all CEO
Dans mon optique de la micro-entreprise il est indispensable de refuser les règles du jeu “normales”. Une bonne règle empirique de cela est par exemple de faire le contraire de ce que préconiserait une CCI ou l’APCE. En ce qui concerne ces derniers dont les efforts sont par ailleurs bien louables, c’est même un plaisir facile que de prendre les 10 étapes qu’ils recommandent pour la création d’entreprise et de les déconstruire les unes après les autres avec des clients.
Inutile de cacher mon amour des fondateurs de 37signals et de leur façon de refuser les règles du jeu résumées dans Rework :
Ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas d’être “cool” parce que l’on est une petite équipe et que l’on aime pas faire des réunions de plusieurs heures. Nous parlons d’une véritable perspective stratégique dans laquelle votre vision du marché et la construction d’un leadership repose sur votre capacité à dépasser la simple notion de processus.
La magie qui est dans vos mains est que vous pouvez passer 80% de votre temps à agir sur le marché parce que vous êtes seuls à décider. Dégagés des processus standards, vous êtes tous des CEOs capables de décider sur le champ du mieux à faire, sans avoir à fédérer vos équipe autour d’une décision risquée, ni à demander au service marketing ou logistique s’ils vont pouvoir suivre.
Demandez-vous quelles sont les chances pour Renault avec plus de 127.000 salariés dans 13.000 sites et 118 pays de réinventer le marché de l’automobile et de révolutionner nos habitudes ? Elles sont pratiquement nulles. Je ne dis pas que les vôtre sont géniales, mais ce n’est pas votre problème n’est-ce pas ? Votre problème est de créer votre niche et d’être peut-être surpris de voir jusqu’où vous irez.
4. Be a rockstar
J’arrive finalement au fait que l’on peut prendre le problème comme l’on veut, mais le fait d’avoir une petite taille ne vous donne pas accès à de nombreuses stratégies pour construire du revenu. Ce que vous allez faire ne peut pas être “bon marché”. Si vous partez dès le départ dans une perspective de dumping des prix, c’est probablement que vous n’avez pas de valeur ajoutée.
Bien entendu un concurrent plus gros et plus connu va spontanément commander un prix marché plus élevé. Cela ne veut pas dire qu’il va être le plus reconnu sur le marché, il est juste plus rassurant. La question est de savoir si vous êtes capables de le battre en terme de performance, en allégeant raisonnablement l’addition du client pour tenir compte du fait que vous n’allez pas avoir six juniors pour traiter le dossier pendant trois mois, mais que vous réaliserez la prestation en moins de trois semaines avec deux associés… en multipliant le prix de journée de deux ou trois.
Il ne s’agit pas d’être prétentieux pour prendre des contrats, il s’agit de parfaitement connaître la niche dans laquelle on excelle et de livrer en y étant le meilleur.
Lors de la conférence LIFT13 à Genève, Oliver Reichenstein d’iA répondait quand on lui demandait combien les prestations de son agence coûtaient :
Nous sommes probablement les plus chers du marché, mais (en citant un client) a eu son retour sur investissement en moins de trois mois.
C’est bien l’idée. Vous n’avez que peu de “stock” ou de “bande passante” à monétiser, vous vous devez d’être excellents et de faire que le prix ne soit plus un problème.
5. Dream about sushi
Cette excellence ne se construit pas au hasard. Et là où il n’y a pas de magie, c’est que vous allez avoir besoin d’investir des mois et des années à créer votre valeur ajoutée et à l’affiner toutes les heures.
Plutôt que de me répéter sur ce dernier point, laissez-moi plutôt vous pointer vers cet article de décembre 2011. J’y parlais de Jiro Ono propriétaire de l’un des plus prestigieux restaurant de sushis au monde, situé dans un sous-sol d’immeubles de bureaux à Tokyo, disposant au total de dix places assises et ne vous accordant que vingt minutes pour profiter de votre repas…