ROE / ROI ubiquitaire
Si nous laissons pour l’instant de côté mes dernières remarques reliant stratégie et cours de bourse, cela fait quelques fois que je suis amené à discuter des ratios financiers tels que le ROE. Je pense qu’il serait intéressant d’approfondir un peu ce que veut dire ce ratio manié à tout bout de champ par les non-spécialistes (les lecteurs férus de finance et autres DAF peuvent arrêter ici leur lecture, je ne vais aborder que des généralités — les autres lecteurs je l’espère m’en seront reconnaissant).
Il semble donc s’être imposé comme une vérité fondamentale qu’un “bon” ROE est de 15% ou 18%. C’est en tout cas ce que veulent bien nous faire admettre les fonds de pensions et les journalistes économiques. On se rend compte qu’avec une rentabilité moyenne de 3 à 5% des valeurs boursières, l’objectif de 15% pour une entreprise donnée est certainement très ambitieux, voire impossible si ce n’est qu’à très court terme.
ROE est l’acronyme de “Return on Equity”, soit en français “Rentabilité des Capitaux Investis”, ou “Retour Sur Investissement”. Il est généralement calculé sur l’année fiscale, et le succès de ce ratio vient des années 1920 où Du Pont de Nemours l’a adopté comme l’indicateur tout-terrain de la performance économique d’un projet. Un ROE élevé indiquant à court terme un bon retour sur investissement, les projets dont le ROE était le plus haut étaient privilégiées. Stratégiquement parlant c’est un indicateur efficace, privilégié à juste titre par beaucoup d’entrepreneurs et d’investisseurs.
Son défaut et qu’il est très synthétique et que son augmentation peut être provoqué par de très nombreux facteurs. Il privilégie en particulier les analyses à court terme et les activités nécessitant peu de fonds propres (les agences de conseil par exemple). Il est donc généralement sage de ne comparer le ROE que d’entreprises dont l’activité est similaire, ou se disputant un même marché.
Son expression la plus simple est :
ROE = Résultats nets / Fonds propres
Mais à vrai dire même Du Pont dans les années 20 ne l’utilisait pas tel quel, et il était généralement décomposé comme la multiplication de trois autres ratios :
ROE = Efficacité opérationnelle x Efficacité d’utilisation des actifs x Levier financier
Où :
Efficacité opérationnelle = Marge nette = Résultats nets / Ventes
Efficacité d’utilisation des actifs = Taux de rotation des actifs = Ventes / Actifs
Levier financier = Taux de multiplication des fonds propres = Actifs / Fonds propres
Notez que les termes se simplifiant deux à deux, nous retrouvons bien la formule initiale :
ROE = Résultats nets / Ventes x Ventes / Actifs x Actifs / Fonds propres
Cette décomposition permet de distinguer trois stratégies classiques qui in fine augmentent le ROE, mais avec des implications différentes :
- Les industries de valeur ajoutée où l’efficacité opérationnelle forte. Les marges sont élevées et dispensent d’un important volume de vente. Ce qui est souvent, et à tort, le modèle de fonctionnement privilégié.
- Les industries de volume, où des marges plafonnées sont compensées par des ventes importantes : l’efficacité opérationnelle est faible mais l’efficacité d’utilisation des actifs est la clef de la réussite.
- Les industries jouant sur des leviers financier pour multiplier leurs bénéfices, en accroissant par exemple leur taux d’endettement… avec des prises de risques souvent considérables.
Le ROE est donc une information stratégique concise, mais qui reste complexe à analyser. Tout comme le cours de bourse de l’action, le ROE ne donne pas une lecture directe dans un référentiel absolu de la performance annuelle d’une entreprise. Sauf bien entendu si vous êtes un investisseur ayant placé son capital il y a un an et voulant maintenant le désinvestir avec des intérêts.