Roche R&D
Suite à une invitation du biocluster PACA, j’ai eu le plaisir hier soir d’assister à un exposé du Dr Jérôme Garnier du laboratoire pharmaceutique Roche. Cette présentation portait sur la liaison entre la R&D interne de Roche et celle des nuées de PME et TPE Française en biotech.
Outre les remarques très précises et très légitimes, sur la difficulté qu’un siège de multinationale Suisse a pour comprendre l’organisation ultra-segmentée et multi-stratifiée de la recherche en France, cette allocution était l’expression d’un fort besoin, visiblement très insatisfait. Celui de pouvoir trouver des partenaires à financer. Dans un monde médiatique où il semble toujours qu’il n’y a nul subside pour le développement des TPE, il est remarquable de constater à quel point les plus gros acteurs privés ont du mal de leur côté à dépenser leurs budgets d’investissements dans des collaborations externes. Et je ne parle pas ici de capitaux-risqueurs à vocation strictement financière, mais réellement d’entreprises qui souhaitent pousser le développement de TPE pour des raisons de métier et de marché.
Le cas de Roche est donc tout à fait représentatif. Quand la mise dans le pipeline d’une molécule candidate à une autorisation de mise sur le marché (AMM) représente un budget de $1,2 milliard sur 9,1 ans en moyenne, investir $5 millions dans une TPE qui vient d’isoler très précocement une molécule prometteuse, est une dépense très modeste. De fait c’est retourner progressivement à une situation vécue dans les années 80-90, où la R&D des grands groupes était beaucoup plus essaimée, au travers d’un nuage de start-ups capables de démarrer ou de de se cracher en 6 mois, mais qui limitaient considérablement le risque financier de la maison mère.
La volonté de plus en plus marquée des grands groupes de limiter leur exposition financière est donc à nouveau une opportunité fantastique pour un très grand nombre de TPE innovantes de vivre de réelles success story industrielles. Trois règles élémentaires sont néanmoins présentées :
(1) Apporter une valeur ajouté mesurable. Il est bien entendu dès le départ être capable de démontrer (et donc de bien comprendre soi-même) la valeur ajouté de la technologie que la TPE développe. Dans le monde pharmaceutique, c’est assez facilement mesuré à l’aune du score scientifique des publications internationales obtenues. Mais cela ne suffit pas.
(2) Être bordé juridiquement. Certainement dans mon expérience le point critique le plus délicat. Notre orateur citait hier soir un exemple tellement classique, que je l’ai moi-même vécu : qui est le propriétaire intellectuel de brevets issus de la recherche d’une unité INSERM, hébergée au CEA avec des chercheurs du CNRS et de la faculté locale ? De tels écueils de lisibilité peuvent immédiatement stopper toute velléité d’investissement privé, qui auront meilleur chance de chercher une TPE moins avancée dans ce domaine de recherche, mais qui sera en Amérique du Nord ou en Grande-Bretagne, avec des accords juridiques clairs entre le monde de la recherche publique et le privé.
(3) Avoir un marché pertinent. Dans le monde pharmaceutique cela recouvre en fait deux points : le gap thérapeutique (il y a-t’il un besoin de soins qui ne sera pas satisfait dans 10 ans, auquel la molécule va répondre ?) et l’accès au marché (le marché prévu financera-t’il par sa taille la R&D et au-delà ?). De façon générale, la question posée est dès le départ celle du retour sur investissement, qui doit être fait à 3, 5 ou 10 ans selon le domaine de recherche.
Je retiendrais finalement quand nous parlons de marketing stratégique avec nos clients, que Roche inclus maintenant systématiquement 4 responsables dans chaque business unit chargée du développement d’une molécule. L’un de ces 4 responsables est un “marketeur” chargé en continu d’évaluer le positionnement de la future molécule, la taille et la morphologioe de son marché, son ratio bénéfice / risque, … afin de la positionner parfaitement.
Dans tous les cas je suis convaincu qu’énormément de TPE du tissu loco-régional peuvent dès à présent communiquer directement avec de grands groupes pour s’inscrire dans des démarches de bénéfices mutuels. Il suffit parfois simplement d’oser…