Leica M9 Monochrom, un cas de réduction au maximum
En fin d’année dernière j’illustrais l’une des nombreuses vois d’innovation du business model de l’entreprise en parlant de réduction au maximum. Une approche extrêmement dure de l’entreprise où l’objectif est de renoncer au superflu et de concentrer toute l’activité sur une offre de valeur simplifiée, pour coller au plus près au besoin des clients.
Dans un univers industriel où souvent on cherche à maximiser le service rendu au client en incluant toutes les fonctionnalités possibles à un produit, cette position est plutôt radicale. Elle sert aussi énormément en phase startup, où le but est de comprendre rapidement avec son marché quelle est la valeur ajoutée du projet. Auquel cas il vaut mieux essayer plusieurs approches simples, que d’essayer de développer une usine à gaz qui ne permettra pas l’engagement client.
Si je parle aujourd’hui de Leica c’est que j’ai été frappé par l’annonce de leur dernier boîtier numérique.
Leica est une marque allemande d’appareils photo mythique et relativement élitiste. Quand je parle de discipline d’excellence opérationnelle à mes clients, c’en est un exemple parfait : ils sont ultra-spécialisés dans une seule activité depuis 1850, ne tolèrent aucun compromis sur la réalisation de leurs produits et si ils ont su prendre le virage du numérique avec élégance, cela c’est fait seulement quand ils ont jugé la technologie à la hauteur de leur exigence.
Et le nouvel appareil qu’ils mettent sur le marché est une version du M9, le modèle le plus connu de leur gamme… en version noir et blanc.
Vous avez bien lu.
Ce M9 qui est vendu à un peu moins de 7.000 euros sans objectif n’embarque qu’un capteur monochrome. Si vous ne connaissez pas l’univers de la photo, je me dois aussi de rajouter que le M9 reste un boîtier purement télémétrique : il n’a pas d’auto-focus et la mise au point doit être faite à la main comme dans les années 60.
Sous la surface de cette annonce qui peut être surprenante, ou qualifiée de snobisme, la logique de la marque à la pastille rouge est néanmoins implacable :
Un capteur numérique ne capte en réalité que la sensibilité lumineuse sur chacun de ses photosites avant de la traduire en pixels. Pour que l’information couleur soit disponible, un filtre est superposé à la matrice du capteur. Cela engendre plusieurs petits problèmes qu’il faut corriger par le calcul, mais disons pour faire simple que toute la lumière n’est pas transmise au capteur d’une part, et que d’autre part des artefacts d’image peuvent être créés.
Si ce filtre est enlevé, l’image est plus pure mais monochrome.
La promesse est donc de restituer au plus près l’image analogique captée, au prix de la couleur certes, mais en sachant que cela n’a pas d’importance pour de nombreux photographes. Et que cela est même un atout pour certains milieux.
Personne ne pense qu’en 2013 le marché de la photo numérique va basculer dans le monde des capteurs monochromes. Mais la discipline de valeur de Leica reste admirable dans sa capacité à repousser de façon déterminée les limites du marché en pariant de façon sereine sur sa compréhension des besoins de ses clients :
Our response, when we first heard about the M-Monochrom was not dissimilar to those Leica users who’ve heard the rumors about the camera – falling somewhere between surprise and incredulity. However, spend some time with the M-M and, in its own reality-impervious way, it begins to make a strange kind of sense. The level of detail the camera captures is nothing short of astonishing… dpreview
En regard de cette stratégie, pourrait-on imaginer des fabricants comme Sony se concentrer sur une gamme de TV qui ne soit plus 3D LED dynamique – X-Reality PRO – Wi-Fi – Sony Internet TV… Mais “seulement” de très bons plasmas aux noirs impeccables destinés aux cinéphiles ? Ou sur des amplis audio-vidéo qui produisent une stéréo cohérente et profonde en se débarrassant du 7.2 et autres gadgets ?
Je ne le pense malheureusement pas.