La fin de la presse écrite ?
J’ai déjà évoqué dans un précédent article la période critique que vit l’industrie de la presse papier. La surimposition de sources multiples d’informations provenant d’internet (podcasts, blogs, flux rss, newsletters, tweets), ainsi que la concurrence endogène des journaux eux-mêmes présents en ligne, rend de plus en plus obsolète le format papier. Ou si l’on souhaite ne pas encore parler d’obsolescence, à tout le moins, le support papier a de plus en plus un rôle de niche. La majorité des informations ne valant que par leur fraîcheur ou leur rapidité de diffusion, qui souhaite encore attendre la publication figée d’un mensuel, d’un hebdomadaire, voire d’un quotidien ?
Or les divers journaux qui ont techniquement bien réussis leur passage sur la toile, se trouvent en bute à l’absence de réel business model sur ce support. Jusqu’à présent les ventes de l’édition papier finançaient l’aventure internet. Mais aujourd’hui de plus en plus, seule la version internet devrait pouvoir subsister. Comment dans ce cas monétiser cette version jusqu’à présent parfaitement gratuite ?
Plusieurs idées sont dans l’air du temps, sans qu’un modèle n’ait définitivement pris le dessus. Essayons de les lister (en me pardonnant par avance les barbarismes que je vais introduire) :
L’informécialisation
Les revenus des journaux sur le web n’existent aujourd’hui que par la publicité. Soit sous la forme de bandeaux et d’encarts plus ou moins intelligemment associés au texte que vous lisez : comme avec des offres spéciales constructeurs apparaissant juxtaposées à la section auto du journal que vous lisez. Soit sous la forme de publi-rédactionnels (“infomercials”), qui vantent les méritent d’un produit en le passant en revue de façon détaillée. Ces publi-rédactionnels plus ou moins assumés et plus ou moins objectifs, sont la pierre angulaire de la plupart des blogs technologiques aujourd’hui, et ne font que perpétuer les usages de la presse papier en la matière.
Injecter de plus en plus de publicité, distincte ou non de l’information, sera dans tous les cas une tendance de fonds pour tous les journaux en ligne. C’est clairement le seul modèle de monétisation qui sous l’impulsion de Google a démontré son efficacité. Le risque évident étant que le contenu journalistique soit réduit à des dépêches AFP ou Reuters, comme dans le cas des journaux gratuits distribués le matin aux entrées de métros.
La propagation
Sous l’impulsion du Guardian UK certains journaux libèrent leurs contenu de tout droit, afin de permettre leur diffusion la plus large. En échange ils s’assurent que leurs articles copié-collés partout ailleurs, restent associés à une publicité d’un de leurs sponsors. La stratégie est ici un peu plus subtile bien que reposant sur le même biais de monétisation publicitaire. En revanche il est ouvertement tiré parti de l’incroyable vitesse de propagation des contenus au dépend de la propriéré intelectuelle. Cette propagation est facilitée, encouragée, au prix unique d’une capsule publicitaire.
La communautarisation
L’option opposée serait que les “grands” journaux soient financés par des donations communautaires, d’institutions publiques, para-publiques, par des groupes d’influence privés, ou des associations caritatives. Il s’agirait de maintenir en vie une forme de service public communautaire, certes sous l’influence de la source de financement (mais quel journal papier en France ou à l’étranger n’est pas coloré par un courant de pensée ?), mais dégagé de toute autre sorte d’influence. La pression d’un audimat publicitaire deviendrait ainsi moins pressant, voire complètement absent.
Cela serait aussi entériner une sorte de défaite intellectuelle : la reconnaissance qu’il n’y aurait plus de lecteurs prêts à payer une information de qualité, et que le seul moyen de la diffuser ne serait plus que de l’offrir.
La micro-segmentation
Une troisième voie est de tirer parti de la flexibilité des outils web pour proposer une information complètement personnalisée. Time Magazine propose ainsi une offre qui permet à partir d’une base de revues existantes de créer son propre cocktail de news, dont la rémunération est générée par des micropaiements.
La question sera de savoir si ce type de journaux pourra battre les agrégateurs de news, blogs et autres formes de média internet à leur propre jeux ?