Qwerty : l’inertie des choix stratégiques
En 1873 les machines à écrire ont commencé à être produites en grande série, impliquant par la même des choix objectifs de conception. L’un de ces choix c’est propagé jusqu’aux machines actuelles les plus avancées technologiquement. Ce choix étant la disposition des touches alphanumériques des claviers, qu’ils soient mécaniques, électroniques ou même virtuels.
C’est à Eliphalet Remington que le choix originel de la disposition des touches QWERTY (pour les anglo-saxons et AZERTY pour nous autres francophones) est dû. Et bien que je n’ai jamais pu réellement confirmer par une source crédible cette histoire, la légende veut que Eliphalet est volontairement choisi d’éloigner les lettres les plus fréquentes à la frappe, pour que les tiges permettant la frappe des caractères sur le rouleau, évitent de se bloquer les uns les autres. Il semblerait aussi que pour que les commerciaux de la fin du 19e puissent démontrer habilement à leurs prospects la vitesse de ces machines, les lettres du mot typewriter aient été mises sur la première ligne de touches.
Il est facile de comprendre que aujourd’hui où la contrainte de la frappe par des tiges mécaniques a disparu depuis des décennies, il serait facile de faire d’autres choix. Des choix qui seraient considérablement plus ergonomiques. Or cela est impossible. L’inertie de l’habitude et l’impossibilité de remplacer de façon réaliste l’ensemble des claviers dans le monde en l’espace de quelques mois, fait que dans un siècle cette disposition de touches prédominera encore. Alors qu’elle est objectivement un choix actuellement extrêmement mauvais. Ce type d’héritage néfaste se trouve aussi dans les organisations. Combien de procédures, de reportings, de manières de faire, d’habitudes, de protocoles informatiques… sont hérités d’un service à l’autre, ou d’un changement de manager à l’autre, sans que leurs raisons d’être ne soient plus critiquées par quiconque ?
Un truc très efficace que l’on m’a montré pour déminer tout cela est un “wargame” auquel je fais maintenant jouer mes clients en situation de marché difficile : “Imaginez que vous soyez passé chez votre concurrent. Quelles seraient les premières mesures que vous prendriez pour descendre votre ancienne entreprise ?”. Immanquablement en moins d’une heure, nous faisons le tour exhaustif de tous les blocages historiques de l’entreprise !