Créer un Bio Fab Lab
L’engouement c’est depuis propagé par les cercles de réflexion sur l’open source et la possibilité à portée de tous de dupliquer des objets, à partir d’outils d’usinages de plus en plus simples à utiliser, et de moins à moins cher à assembler. Le mythe de la photocopieuse universelle était créé : je télécharge le fichier d’un meuble conçu à l’autre bout de la planète, et je le matérialise en quelques dizaines de minutes dans le Fab Lab. Pour les étudiants c’est un moyen unique de leur faire comprendre à quels point la frontière entre atomes et bits est devenue floue. Pour les startups c’est la possibilité de prototyper rapidement des concepts de produits, sans attendre la mise en oeuvre d’une phase de pré-industrialisation complexe.
Si le sujet vous intéresse et que vous voulez en savoir plus, dirigez-vous vers la FING qui milite très positivement pour la création de ce type d’ateliers en France. Pensez aussi à consulter l’article de synthèse d’Internet Actu sur comment refabriquer le monde.
En ce qui me concerne, mon passé de chercheur en biologie me rattrape parfois de façon surprenante. Pour les Fab Labs en l’occurrence je suis extrêmement surpris de ne rien voir se développer du côté des biotechnologies, alors que les mêmes besoins sont présents :
- Au lieu de transposer en objets matériels des bits d’informations 0/1 on utilise des bits A/T/C/G ;
- C’est un domaine jugé complexe, alors que la biotechnologie de base est devenue une mécanique triviale (assemblage de protéines élémentaires, manipulations génétiques simples) ;
- Les appareillages pour faire de l’amplification d’ADN ou d’ARN, pour faire produire des protéines à des bactéries, et pour faire de la filtration chromatographique, sont de plus en plus compacts et abordables ;
Des étudiants ou des startups tireraient des bénéfices énormes à pouvoir accéder à un atelier de bidouillage biotechnologique simple… Un Bio Fab Lab. Et si aujourd’hui les Fab Labs sont devenus auto-répliquants en étant capable de fabriquer eux-mêmes de nouvelles machines outils, pour équiper de nouveaux FabLabs ; on peut penser qu’il ne faudrait guère d’effort pour qu’ils fabriquent les appareillages de Bio Fab Labs.
Un Bio Fab Lab pour l’éducation
Jouant avec cette idée depuis plusieurs mois, je me suis mis peu à peu à découvrir des projets dans cette thématique et en particulier pour l’éducation. C’est le cas par exemple de GENOTYP qui crée des kits de PCR open source pour les lycées :
Ou encore de GENSPACE à New York, qui est une association qui a aménagé un laboratoire biotech élémentaire pour permettre à des étudiants de bidouiller de la molécule. L’organisation n’est pas inintéressante puisqu’elle ressemble assez à des cours de cuisine organisés avec des chefs professionnels : un projet éducatif est réalisé au cours de plusieurs sessions sur un thème précis. Et Wired vient tout juste de leur consacrer un article ici. Ce type de projet éducatif peut même être mené dans la rue, avec la classique extraction de DNA. Toujours un peu roots comme manip, mais efficace :
Le programme DIYbio dans cet esprit regroupe de nombreux enseignants et amateurs dans le monde, autour de projets éducatifs en-dehors du cadre pédagogique institutionnel. Du hacking éducatif en quelque sorte :
Un Bio Fab Lab pour la recherche
Dans une autre perspective, à Berkeley un laboratoire de ce type mais à vocation plus économique à ouvert récemment : le BIOFAB (International Open Facility Advancing Biotechnology). Drew ENDY, son directeur est aussi président de la BioBricks Foundation. Il décrit ce laboratoire comme une plate-forme open-source pour la synthèse de briques biologiques élémentaires. À terme cela devrait permettre la synthèse de tout type d’ADN, ARN ou protéines à partir de bactéries comme E. coli, ou de levures comme S. cerevisiae.
Un Bio Fab Lab pour l’industrie
Si l’on comprend du coup bien l’intérêt d’un Bio Fab Lab pour l’éducation et la recherche (deux univers qui ne devraient jamais être très loin, même si la réalité n’est vraiment pas au rendez-vous)… Qu’en est-il de l’industrie ? La société ORGANOVO tente de s’engager exactement sur ce mode de fonctionnement en développant une technologie d’impression d’organes en 3D. Je vous laisse découvrir la vidéo qui nous fait plonger en pleine science-fiction :
Une histoire de convergence
Ces aventures expérimentales commencent à apparaître de plus en plus rapidement et démontrent l’existence d’une fenêtre d’opportunité évidente. La technologie est prête, le besoin est présent à plusieurs niveaux et même si des modèles de fonctionnement sont encore à inventer, il y a de belles choses à faire sur notre territoire national.
Dans ce contexte, difficile de laisser plus longtemps nos acteurs institutionnels se lamenter sur le manque d’engouement pour les sciences ? Une histoire à suivre activement !